Le Roi est mort ! Vive le Roi !. L’héritage du Roi demeurera immortel tel que son royaume.
Mort hier, le 29 décembre 2022, Edson Arantes do Nascimento dit Pelé, le très africain de tous joueurs brésiliens. Au travers des longues tournées avec son équipe de Santos et les nombreux voyages organisés par ses sponsors ont mené la légende du ballon rond à travers le monde. Trois de ses passages en 1860 et 1970 à Lagos, alors capitale du Nigeria, ont donné lieu à des incroyables scénarios. Pelé n’était pas seulement un joueur de football. Il était le « Roi » de la discipline, concurrent direct de l’Argentin Diego Maradona, autre figure illustre du ballon rond. Mais il a également été une icône politique pour la minorité noire au Brésil, lui qui a été le tout premier homme mélanoderme à devenir ministre en 1995. Son influence n’avait aucune limite. Durant toute sa vie, Pelé n’a cessé de le dire: il voulait non seulement unifier et réunifier les peuples mais aussi apporter la paix. Sa vie et ses voyages étaient scrutés à l’instar des chefs d’État. Et lorsqu’il se rendait en Afrique, le champion du monde savait marquer les esprits.

L’incroyable cessez-le-feu orchestré en 1969 au Nigeria.
En Afrique, c’est probablement au Nigeria que Pelé a laissé le plus de traces. Depuis 1967, le pays est au cœur d’une guerre civile après la sécession de la région orientale, autoproclamée République du Biafra. C’est dans ce contexte que Pelé va arriver, deux ans après. Début 1969, l’équipe brésilienne de Santos commence une lucrative série de matches en Afrique. Vers la fin du mois de janvier, le club de Sao Paulo arrive au Nigeria pour y jouer deux rencontres malgré un contexte très tendu. Santos affronte préalablement la sélection nigériane le 26 janvier. Pelé inscrit un doublé lors de cette confrontation (2-2).
Un deuxième match a lieu le 4 février, dans une autre ville nigériane, Benin City, proche du Biafra. Santos l’emporte 2-1 contre l’équipe locale. La légende, entretenue côté brésilien, veut qu’un cessez-le-feu de 48 heures entre les belligérants aurait été obtenu pour permettre la tenue de cette rencontre. Pelé n’évoque pas cet épisode dans sa première autobiographie en 1977. Dans un autre ouvrage paru en 2007, il confie en anecdote: “Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait vrai, mais les Nigérians ont certainement fait en sorte que les Biafrais n’envahissent pas Lagos pendant que nous étions là”. Il a rajouté que le directeur commercial de Santos aurait assuré aux joueurs que la guerre civile serait arrêtée le temps du match. Néanmoins, cette version a été contesté. Dans une enquête, Olaojo Aiyegbayo, chercheur d’origine nigériane à l’université d’Huddersfield en Angleterre, explique ainsi n’avoir trouvé aucune preuve de cet éventuel arrêt de cette guerre.
En février 1976, Pelé, qui évolue dorénavant au Cosmos de New York, se rend à nouveau à Lagos lors d’un voyage sponsorisé par Pepsi. Il doit y jouer une rencontre amicale et participer à l’inauguration d’écoles de football. Le Brésilien n’est pas la seule personnalité sportive présente dans la capitale nigériane. Les joueurs de tennis Arthur Ashe et Stan Smith participent à un tournoi et logent dans le même hôtel que Pelé. Le 13 février 1976, le général Murtala Mohammed, alors au pouvoir au Nigeria, est assassiné par des hommes armés. À la tête du commando, Bukar Dimka, un lieutenant-colonel de 33 ans, dont la tentative de prise de pouvoir sera rapidement écrasée.
Mais la tension reste vive dans la ville où des check-points ont été dressés. Le 16 février, le match entre Arthur Ashe, vainqueur de Wimbledon l’année précédente, et son homologue américain Jeff Borowiak, est interrompu par cinq militaires qui somment les joueurs et le public d’évacuer. Les participants au tournoi regagnent leur hôtel sous protection et quittent le pays par avion le lendemain. Pelé, qui s’est réfugié à l’ambassade du Brésil, devra patienter trois jours de plus. Les autorités brésiliennes imaginent alors un stratagème pour faciliter sa fuite et c’est déguisé en pilote de ligne que la star du football parvient à s’envoler de Lagos.

Revêtir le maillot de l’équipe concurrente pour éviter les émeutes.
Pas échaudé par ses deux précédents séjours, Pelé revient à nouveau au Nigeria deux ans plus tard. Il prend part à un déplacement sponsorisé par une marque d’électroménager. Comme l’ancienne star de Santos, l’équipe de Fluminense est à Lagos où elle doit disputer une rencontre dans le cadre d’une tournée. Profitant de cette coïncidence, les autorités locales proposent à Pelé de donner le coup d’envoi du match entre la formation brésilienne et un club du pays, les Racca Rovers. Rapidement, la rumeur se répand : Pelé va jouer. Malgré les démentis, la ferveur et les ventes de billets sont telles que la police finit par convaincre le « Roi » de disputer le match par peur de débordements. Pelé évolue 45 minutes avec le maillot de Fluminense.
En 2018, il s’en amuse sur son compte Twitter. « Une fois, j’ai accidentellement joué pour Fluminense! En tant qu’invité d’un match au Nigeria, tant de gens sont venus me voir que la police m’a fait jouer pour maintenir la paix !”, raconte-il dans un message accompagné d’une photo de l’époque. “Flu” a eu l’honneur d’avoir le Roi du football pendant une journée. », lui rend hommage le club sur son site web.

Le respect réciproque du Roi et le continent africain.
Depuis l’annonce de son décès, les hommages pleuvent pour saluer la mémoire du Roi. L’Afrique, un continent sur lequel le Brésilien se sera rendu à plusieurs reprises pendant et après sa carrière, et qui l’aura fortement marqué.
« Je ne peux m’empêcher de féliciter le Maroc pour son incroyable Coupe du monde. C’est formidable de voir l’Afrique briller. » Ce sont les mots de Pelé, postés le 18 décembre à l’issue de la Coupe du monde qui a vu l’Argentine soulever le trophée et les Lions de l’Atlas se hisser en demi-finale pour finir à la 4ème place. Un classement historique salué par Le Roi, de son vivant. Un hommage de la légende, qui au fil des années n’a pas manqué de suivre la progression du football africain et de ses acteurs. A l’instar d’un autre clin d’oeil à Sadio Mané après sa 2ème place au Ballon d’Or 2022, la légende brésilienne a eu un lien particulier avec le continent africain.
Pelé, qui avait même prédit qu’une nation africaine gagnerait une Coupe du monde avant l’an 2000, n’a pas manqué de fouler la terre de ses lointains ancêtres au fil des années. Dès 1960 en Egypte (à l’époque, le territoire se nommait République arabe unie) avec la Seleçao, ou quelques années plus tard en 1965 en Algérie, ou 1967 lors d’une tournée avec son club de Santos, qui l’a vu aller au Zaïre, (l’actuel République Démocratique du Congo), en République du Congo, en Côte d’Ivoire, au Gabon ou encore au Sénégal.

Pelé au pays du grand léopard, Mobutu.
En 1967, Pelé a 27 ans. Il est devenu papa en janvier. Au sommet de son art et de sa gloire, le roi du football choisit l’année de la naissance de sa fille Kelly Cristina pour faire un retour aux sources. Ce long périple le conduit en République Démocratique du Congo. Le rendez-vous avec le foot congolais a lieu à Kinshasa le 02 juin dans le stade Tata Raphaël. Le président Mobutu était présent qui a vu jouer Pelé devant un public estimé à plus de 75.000 spectateurs. Ce match géré par l’arbitre international Fula est remporté par Santos sur le score étriqué de 2 buts à 1. Les buteurs de ce jour étaient le Géomètre Nicodème Kabamba pour les Léopards et Pelé pour Santos.

L’improbable rencontre entre Nelson Mandela et Pelé
Des expériences qui ont considérablement changé sa vision de l’Afrique et sa relation avec ce continent, comme il le soulignera des années plus tard dans son autobiographie de 2006. Un an auparavant, une visite du Roi va rester gravée dans les mémoires : celle en Afrique du Sud et sa rencontre avec Nelson Mandela. Un rendez-vous avec l’histoire et un symbole de voir réunies deux icônes planétaires. D’un côté la star du ballon rond et de l’autre le visage de la lutte contre l’apartheid. Une rencontre durant laquelle Mandela dira de Pelé : « Le regarder jouer, c’était le plaisir d’un enfant combiné à l’extraordinaire grâce d’un homme accompli. » Un hommage que ne manquera pas de retourner le Brésilien, notamment en 2013 au moment du décès de l’ancien président sud-africain qu’il avouera être son « héros ».
Et si Mandela représentait une figure socio-politique si forte aux yeux de Pelé, pour son combat pour les droits des personnes noires en Afrique du Sud, une autre personne a fortement marqué l’ancien buteur de Santos, cette fois sur le rectangle vert : Larbi Benbarek. Passé par Marseille, le Stade Français et l’Atletico de Madrid, le Marocain qui était surnommé « la perle noire », a marqué toute une époque et reste encore à ce jour une référence du beau jeu. Pelé dira de lui : « Si je suis le roi du football, alors Benbarek en est le dieu. » Rien que ça.
Le Roi Pelé, très proche des terres de ses lointains ancêtres, d’où le titre qui stipule que le Roi du football était très africain que tous les brésiliens.