Le Grand-Maître de la Rumba - Luambo Makiadi

Franco Luambo Makiadi, jeune (Photo de Jean DEPARA)

FRANCO : LE GRAND MAÎTRE

Il est de notre devoir de dédier un article à Franco Luambo Makiadi, un artiste tellement connu qu’on se demande s’il a encore besoin d’être présenté. Les anciens le connaissent bien, mais la nouvelle génération pourrait avoir besoin d’un petit rappel. Ce maestro de la musique congolaise a régné sur la scène pendant plus de trois décennies, devenant ainsi le véritable pape de la rumba.

Mario, Makambu eza bourreau, Massou, Alimatou, Mamou - ces tubes résonnent encore dans les esprits et les cœurs des passionnés de musique, faisant bouger les pistes de danse du Congo aux confins de l’Afrique. Ils sont là, dans nos souvenirs, insaisissables et vibrants. Mais qui était donc Luambo Makiadi en réalité ? Un génie musical ? Un homme social ? Un homme à femmes ? Au-delà des paillettes et des frasques, cet article vous invite à découvrir l’homme derrière le mythe, l’artiste qui se cache derrière la légende.

Luambo Makiadi dit Franco sur le tricycle dans les rues de Kinshasa (Photo de Jean DEPARA)

LES PREMIERS PAS DANS LA LÉGENDE

Le 6 juillet 1938 à Sona-Bata, dans la province du Kongo-Central, naissait un enfant qui allait devenir une légende de la musique. Fils d’un cheminot et d’une boulangère, il baigne dès son plus jeune âge dans un environnement modeste mais riche en rythmes et en chants.  Le destin frappe tôt à sa porte. A l’âge de sept ans, il fabrique sa propre guitare, instrument qui deviendra son prolongement naturel. Mais la vie n’est pas tendre et quatre ans plus tard, le décès de son père le force à abandonner l’école pour assumer la responsabilité de sa famille. La musique devient son refuge et son exutoire.

En 1950, alors qu’il n’a que 12 ans il fait ses premiers pas professionnels au sein du groupe Watam, qui veut dire « Les délinquants ». Un nom prédestiné ? Pas forcément, car c’est dans la rue, au contact du peuple, que Franco forge son talent et aiguise son sens de la composition. Influencé par les maîtres de la rumba congolaise tels que le Grand Kallé, Wendo Kolosoy et surtout Paul Dewayon qu’il appelait affectueusement le citoyen Ebengo, il n’hésitait pas à chiper la guitare de ce dernier pour gratter quelques notes furtives.

C’est grâce à ces grands noms que le jeune Luambo Makiadi a pu développer rapidement son propre style de rumba à l’image de son immense talent avec Sa guitare, surnommée Libaku Ya Nguma, était presque plus grande que lui. C‘est à l’âge de 18 ans, en 1956, que Franco fonde son propre groupe : le Tout-Puissant OK Jazz. Ce qui n’est alors qu’une simple formation locale va rapidement devenir une véritable institution musicale, une machine à tubes qui va révolutionner la scène musicale congolaise et africaine. La suite de l’histoire est connue de tous…

Franco Luambo Makiadi dit Grand-Maître au bureau (Photo de Jean DEPARA)

LE TOUT PUISSANT OK JAZZ - UNE COUR ROYALE DE TALENTS

Le Tout Puissant Ok Jazz, bien plus qu’un simple orchestre, était une véritable cour royale où se côtoyaient des talents exceptionnels. Lutumba Simaro, le maître de la guitare sèche, Josky Kiambukuta, le roi du sebene, Ntesa Dalienst, le virtuose du saxophone, Youlou Mabiala, la voix suave et tant d’autres formaient un groupe d’artistes exceptionnels. Sous la houlette de Franco, le Grand Maître, ils ont créé une rumba qui transcendait les genres, capable de réjouir les mélomanes, d’éduquer les couples et de transporter les cœurs dans un voyage musical inoubliable.

Comme dans tout royaume, la cour de Franco n’était pas sans intrigues. Le Grand Maître était connu pour son caractère autoritaire et ses exigences strictes envers ses musiciens. Certains le surnommaient même “le dictateur de la rumba”. Il était également accusé de monopoliser l’industrie musicale congolaise et d’empêcher l’émergence d’autres artistes.

Franco Luambo Makiadi, jeune, en tissu traditionnel ancestral (Photo de Jean DEPARA)

LA CASQUETTE POLITIQUE DE FRANCO LUAMBO MAKIADI

Franco Luambo Makiadi, le roi de la rumba congolaise, était également un fervent partisan du régime du président Mobutu Sese Seko. Il était membre du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), le parti unique de l’époque, et a composé de nombreuses chansons à la gloire du président Mobutu et des autres politiciens puissants de l’époque. 

Les raisons de l’engagement politique de Franco sont complexes. Certains affirment qu’il était sincèrement convaincu par les idéaux du MPR, tandis que d’autres pensent qu’il s’agissait d’un calcul opportuniste pour s’assurer le soutien du régime. Quoi qu’il en soit, l’engagement politique de Franco a eu un impact important sur sa carrière et sur la musique congolaise en général. Ses chansons étaient diffusées à la radio et à la télévision nationales, et il était souvent invité à se produire lors d’événements officiels du MPR.

L’orchestre OK JAZZ au grand complet avec le Grand-Maître, Franco Luambo Makiadi. (Photo de Jean DEPARA)

FRANCO LUAMBO MAKIADI ET SES CONCERTS INTERNATIONAUX 

Franco Luambo Makiadi et son groupe, le TP OK Jazz, ont connu un immense succès international. Ils ont effectué des tournées dans le monde entier, se produisant dans des pays d’Afrique, d’Europe, d’Amérique et d’Asie.

Les concerts de Franco étaient de véritables spectacles. Il était un artiste charismatique et énergique qui savait captiver son public. Ses chansons étaient entraînantes et dansantes, et ses musiciens étaient talentueux et virtuoses.

Le succès international de Franco a contribué à faire connaître la rumba congolaise au monde entier. Il a inspiré de nombreux artistes africains et a joué un rôle important dans la diffusion de la culture congolaise.

AMSTERDAM, PAYS-BAS – 18 JANVIER : L’artiste congolais Franco se produit au Melkweg à Amsterdam, Pays-Bas, le 18 janvier 1989 (photo de Frans Schellekens/Redferns).

UN CHOC POUR L’AFRIQUE

Le 12 octobre 1989, le monde de la musique africaine est en deuil. Franco Luambo Makiadi, le roi de la rumba congolaise, s’éteint à Bruxelles à l’âge de 51 ans. Deux ans auparavant, en 1987, il avait sorti le morceau Attention Na Sida pour alerter les consciences sur la dangerosité du SIDA, une maladie nouvelle (à cette époque-là) qui se propageait dans le monde. Un titre visionnaire et courageux qui démontre l’engagement de Franco au-delà de la musique.

Les circonstances de sa mort n’ont jamais été officiellement dévoilées, alimentant les rumeurs et les spéculations. Si certains évoquent un cancer des os, il est aujourd’hui largement admis que c’est le VIH qui a emporté Franco. La disparition de Franco est un choc pour l’Afrique entière. Des hommages lui sont rendus beaucoup des pays du continent, et son influence sur la musique continue de se faire sentir aujourd’hui. 35 années se sont écoulées depuis que le roi de la rumba congolaise a tiré sa révérence, laissant derrière lui un immense vide dans le monde de la musique africaine. Le temps n’a pas atténué l’impact de sa disparition. Sa voix puissante, ses mélodies envoûtantes et ses paroles engagées résonnent encore aujourd’hui dans nos cœurs.

Franco était également un homme de cœur, un philanthrope qui n’hésitait pas à utiliser sa notoriété pour aider les plus démunis. Il était un véritable symbole de la culture congolaise et un modèle pour de nombreuses générations d’artistes. 35 ans après sa mort, Franco est toujours vivant dans nos cœurs. Sa musique continue de nous bercer et de nous inspirer. Il est et restera à jamais une légende de la musique africaine.

"Repose en paix, Grand-Maître"
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