ENTRE FASCINATION ET INCOMPRÉHENSION — LE VAUDOU
« On venait furtivement nous trouver pour tenter d’assouvir d’inavouables désirs de vengeance, se libérer de haines et de rancœurs insoupçonnables et s’efforcer de faire mal par tous les moyens. » — Maryse Condé, Moi Tituba sorcière…
« Désirs de vengeance, haine et rancœur ». Ce champ lexical dépréciatif est souvent lié à une spiritualité ancestrale présente depuis la nuit des temps dans nos cultures, nos familles mais également nos traditions. Présente dans les pays d’Afrique de l’Ouest, le vaudou fait partie de l’un des principaux piliers de la spiritualité africaine. C’est cette base spirituelle qui a donné naissance à plusieurs préceptes qui sont désormais présents pour codifier et institutionnaliser le vaudou.
En fongbe, le mot « vaudou » sous-entend l’idée d’une ombre, cette ombre serait liée à la vie, mais aussi au monde après la mort. Le vaudou est présent dans un grand nombre de groupes ethniques, notamment les groupes yoruba et fon. La tradition se veut comme une quête perpétuelle d’harmonie, je parle alors d’une harmonie sur le plan social, mais également d’une harmonie entre le visible et l’invisible.
Mais alors, d’ou viendrait cette crainte du spirituel ?
UNE SIMPLE QUESTION D’IGNORANCE
Dans l’imaginaire collectif, la mystique s’apparente toujours à un secret qui ressortirait de l’ordre du maléfique. Etant donné qu’une grande partie des principes du vaudou sont maîtrisés par des personnes que l’on considère comme « initiées », il est difficile d’avoir des informations sur la signification de certains rituels et symboles. C’est donc à ce moment précis que l’ignorance intervient. On s’autorise donc à discuter sur la partie visible de cette tradition tout en tirant ses propres conclusions à partir de ce que l’on voit. Or c’est tout autre. Si la mystique ne peut être expliquée, c’est qu’il y a une raison. Dans cette logique, chercher à expliquer « l’inexplicable » revient à tomber dans une démarche maladroite qui est souvent présente dans l’intellect occidentale, à savoir que tout peut se justifier. Ainsi, on pense que l’on peut faire appel à la science pour expliquer le vaudou, ou alors, on la réduit à une simple religion « animiste ». C’est une prise de position complexe car dans les traditions africaines, le vaudou possède une partie scientifique.
Cette notion a, par ailleurs, été évoquée par Claude Levi-Strauss dans Race et Histoire.
« Chaque fois que nous sommes portés à qualifier une culture humaine d’inerte ou de stationnaire, nous devons donc nous demander si cet immobilisme apparent ne résulte pas de l’ignorance ou nous sommes de ses intérêts véritables, conscients ou inconscients, et si, ayant des critères différents des nôtres, cette culture n’est pas, à notre égard, victime de cette même illusion ».
LES EFFETS DE LA COLONISATION
Il est également important de noter que cette illusion peut être vue comme une illusion qui aurait été imposée par le colonisateur au nom d’une autre religion. A travers ce que l’on appelle « l’inculturation », une culture de la peur a été implantée dans la psyché du colonisé. On lui a appris à détester, ce qu’il avait de plus cher en lui, son esprit spirituel, ses divinités, ses croyances. Or le vaudou était considéré comme une religion de repère pour un grand nombre de ses adeptes. Outre sa dimension spirituelle, le vaudou a également une dimension sociale. Il rassemble à travers des tribus, des cultures et des familles ethniques.
En conclusion, peut-on donc parler d’un réel regard critique, ou d’une simple ignorance ?
Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite à vous poser cette question car pour moi, l’ignorance n’est pas un défaut, au contraire. C’est ce que l’on fait de celle-ci qui m’importe. Elle peut ouvrir des portes qui jusque-là n’avaient encore jamais été ouvertes. Il est également important de souligner que cette tradition se repose sur une quête identitaire. Par identitaire, j’entends notre identité en tant que personne d’origine africaine. L’initiation peut se faire personnellement,notamment avec une méditation sur ces 4 questions proposées par l’historien Gabin Djimassé.
- D’où venons-nous ?
- Qui sommes-nous ?
- Ou sommes-nous ?
La réponse à ces 3 questions vous mènera vers une question un peu plus personnelle,
4. Ou allons-nous ?